Le soir quand vient la nuit et mon rêve

380) Rêverie crépusculaire :


Les arbres ne se devinent plus qu’en ombres
sur ce ciel aubergine en astres éteints
alors que sur la crête le soleil sombre
attendant résurrection en prochain matin.

Et la pinède est devenue silence
en sommeil de cigales parties vers autre
endroit, laissant après elles calme absence
quand étoiles montent en soir ocre.

Un piano paisible s’égrène tranquille
en son rythme détaché, méditatif
comme une gnossienne qui là resquille
accrochée à la partition tel anatife.

Et sur cette mélancolie la barque flotte.
Oui, celle de mon esprit apaisé calme
ignorant peurs et tremblements de quenottes,
pour piano tressautant et apaisant mon âme.

Par-delà écueils, récifs, remous et brisants
voici que monte la nef folle de mes visions
et l’ami Satie joue son piano apaisant,
touche par touche en ma douce illusion.

Et, je vois monter du fond de cette onde
comme en un récital en maturation
les riches heures de la journée, gaie ronde
de mes neurones, folle élucubration.

Les doigts hésitant et les notes en suspens,
avancent lentement comme à reculons,
comme en repentir qui là se répand
dans les brumes du soir en ces arpèges longs.

Moment hésitant comme au bord de l’effroi
quand on se croit seul, en terreur aveugle,
alors que minuit sonne en haut du beffroi,
que la peur nous assaille de ses remugles.

Je l’imagine concentrée sur les touches
blanches en une intensité retenue.
La ligne des épaules droite, farouche,
fixée sur sa portée, attention soutenue.

Seuls vivent les yeux, ces opales brunes,
et les doigts qui dansent telles ces notes perchées
sur cette portée en mesure, en une
promenade mélancolique relâchée.

Que de force il faut pour être juste, doux.
Je suis son seul spectateur et là j’admire
cette énergie créatrice de tout
en notes précises, fluides comme zéphyr

qui tisse un filet de notes où mon cœur
s’accroche charmé par les rondes et croches.
Et dans ce monde plein de gens idiots, moqueurs,
je vois la paix d’un monde sans anicroche.

Et dans son œil calme où mon regard là se vrille,
je vois s’ouvrir un monde nouveau, un futur
où alors m’imagine vie où m’immiscer
et je vois poindre sourire de bon augure.

En ses doigts déliés, en son regard ambre brun,
elle seule sait de moi noble accord obtenir
pour enfin mélodieux, apaisé et serein
chérir belle âme sans plus me retenir.

Tes dix doigts en joli manège sont dix joies
qui sur ma peau en farandole allègre dansent.
Au bout des lignes de ta portée, tel anchois,
je frétille gaiement comme en transe