LVIII. Vers quoi ?
Comme son amitié ici te manque.
Une connexion est rompue, et l'écho
triste de mes vers sonne vide là, sans que
nul visage ne paraisse. Pas de bécot
ce soir ; pas de bras gracieux, yeux dans les yeux ;
voilà, l'illusion se dissipe, ténue.
Les oiseaux volubiles partent dans les cieux,
archets colorés sur ton cœur remis à nu.
Un deux trois, une valse lente et dolente.
Un deux trois, sourire ; aimable, être léger.
Un deux trois, cette musique indifférente ;
un deux trois, scande ton ciel noir comme geai.
Axe de la danse, un mannequin obscur
aspire les flonflons de la valse rouge.
Carmin et charbon, un amour en pâture,
sillon écarlate à grands traits de gouge.
Ce que tu croyais roc est un tendre sapin.
Ces fibres au grain serré étaient amadou ;
les couleurs chamarrées, simple perlimpinpin,
poudre dissipée. Il faut attendre redoux.
Il faut du temps, attente calme au désert.
Écoute ! Une vibration, là, ténue.
Fais silence. Laisse parler. Sois moins disert
et sens dans la brise les échos du sol nu.
Tes narines se dilatent. Ton pouls file.
Une odeur de benjoin, subtil encens ;
et là j'imagine un portrait tranquille
de la belle dame qui enchante mon sang.
Fi de ce carmin fuligineux et triste ;
je veux une vie vermillon et vibrante.
Que mille violons en scherzo fantaisiste
relancent l'horloge, pulsation ardente.
Fi de ce jasmin, jaune pâle et métal ;
voici des roses, des roses thé en beauté,
odeurs épicées et douceur des pétales,
légères piqûres d'épines irritées.
Rêvons douceur d'un soir, crépuscule ambre
dans la chaleur passée de l'été, volupté
sous les vrilles de pampre en antichambre
de ce qui sera, ou pas, sans avoir été.