Ce soir j'ai fantaisie d'errer dans un jardin,
loin de la foule inconsciente, une
bête sans âme, figée en vain dédain
à toute heure du jour, soleil et lune.
La lumière nous appelle, attire
ces humains si fiers, ces simples papillons.
Toujours depuis Icare les sommets gravir
pour redescendre voltigeant en tourbillons.
La lune, lumière d'ombre qui scelle
en ses pénombres complices plus qu'elle ne
souligne, révèle ce qu'ici recèlent
les bosquets d'Astartée, forêt de Diane.
Dans ce havre, les sentiers sont en odeurs,
délimités en pistes saisonnières ;
aujourd'hui mimosa, demain pois de senteur.
Roses du matin, du soir, autres horaires.
Et les sons décrivent aussi d'autres chemins ;
le rossignol et la chouette nocturnes
et aussi le ventru rouge-gorge carmin
et les frivoles mésanges bleues diurnes.
Ce jardin ne saurait être complet sans eau.
Une mare entière, avec grenouilles,
jacinthes, nénuphars, lentilles et roseaux,
sans oublier essaims qui vrombissent, grouillent.
Les libellules en piqué près de ce banc
narguent les carpes koï, ces paresseuses
créatures baillant sur le fond de l'étang.
Leurs ouïes baillent, suggestives, scabreuses.
Près du banc vermoulu, panier d'osier
et nappe à carreaux rouges et blancs, vichy
pour un pique-nique aimable, désuet.
Collation, nouvelle étape franchie.
Venez très chère. L'amoureuse agape
nous attend, champagne en cristal bohème,
homard dont les pinces rouges vous attrapent,
rouges comme mon cœur qui toujours vous aime.
Ma dame, ma croix du Sud vous êtes,
seule constellation que je connaisse
en mon hémisphère qui vous fait là fête
en baisers empressés et douces caresses.