Poésie en ligne
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


Forum destiné à la publication de poèmes, afin de partager ensemble l'art poétique.
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Attention : les textes publiés appartiennent à leurs auteurs, ils sont protégés par le droit d'auteur
Le deal à ne pas rater :
Sortie PlayStation 5 Pro : où précommander la console PS5 Pro ?
Voir le deal

 

 Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2)

Aller en bas 
AuteurMessage
Manu
Petit poète
Petit poète



Nombre de messages : 40
Date d'inscription : 07/01/2010

Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2) Empty
MessageSujet: Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2)   Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2) EmptyLun 2 Déc - 18:17

Chapitre 2 : Ikâr

Une semaine passa. La Cité était presque prête à subir l’assaut de l’armée du Leyfendärd. Heôl contemplait depuis le balcon de la chambre la plus haute du palais son armée et les soldats qui la composaient postés, prêts à agir selon les ordres qui leur avaient été donnés. Heôl poussa un profond soupir en s’appuyant sur le garde-fou en marbre du balcon.
La semaine s’était presque bien passée. La Cité avait dû essuyer les assauts de quelques groupes ennemis isolés. Ils avaient tenté de s’introduire clandestinement dans la ville. Mais les soldats avaient été bien répartis dans toute la ville et les soldats ennemis n’étaient jamais parvenus à entrer dans la ville.
Il y eut quelques blessés de leurs côtés, et trois morts. Mais en comparaison des trente deux Leyfendäriens tués pendant ces attaques, ce n’étaient pas grand-chose. De plus leurs soldats avaient été assassinés lâchement. On leur avait planté une épée dans le dos ou on les avait égorgés.
Heôl avait assisté personnellement à chaque enterrement. Il eut peur que le peuple perde confiance en lui. Mais l’effet de ces assauts fut l’inverse de celui escompté. Les habitants semblaient galvanisés par tout ça. Ils avaient envie de voir l’ennemi, de le recevoir et de le renvoyer chez lui. Ils voulaient se battre. Ils désiraient se battre avec leur roi et les soldats.
Ce n’était pas à cause d’une quelconque haine vouée depuis des siècles aux Leyfendäriens. C’était une question de principe. On s’en prenait à eux, à leurs enfants, à leur ville, à leurs vies. La plupart d’entre eux n’avaient jamais connus la guerre. Ils ne comprenaient pas quelle était la réalité de la guerre. Ils ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait…
« Pourquoi, Elijah ?
Ce dernier sortit de la chambre, les mains derrière le dos, et demanda :
- A quel sujet, votre Altesse ?
- Pourquoi ont-ils autant confiance en moi ? Je ne suis leur roi que depuis onze ans. Je n’ai jamais été au combat, ni mené de guerres pour leur prouver ma valeur. Comment peuvent-ils avoir confiance en moi dans un moment pareil ? expliqua Heôl en levant les yeux vers le Soleil couchant.
Après deux secondes de réflexion, Elijah en donna la raison :
- Ils ont confiance en vous car nous n’avons connu que la paix pendant ces onze ans de règne. De plus, nous n’avons jamais connu la peste ou la famine. Le peuple vous aime car vous avez toujours fait les choix les plus sages et que vous avez été prompt à agir quand la situation a manquée de déraper. Il n’y a rien de mal à voir les soldats de la Cité vous être dévoué. Soyez plutôt fier de cela. Et encouragez-les quand ce sera possible. Un soldat se bat pour son royaume et pour son roi. Qu’un roi encourage ses soldats leur redonne l’espoir de vivre et l’envie de vaincre. C’est le rôle d’un roi.
- Mon père, comment faisait-il ? voulut savoir Heôl en se tournant vers Elijah.
- Votre père n’a combattu que contre les Pilleurs du Vendör. Il livra cinq batailles contre eux, et il participa aux deux dernières, dans les plaines du Pärador, à l’est des collines du Gyrventar. Il a gagné chaque bataille en sacrifiant quelques hommes. C’était un homme d’action et pas un homme prêt à s’asseoir pour réfléchir. C’était un bon roi lui aussi. Il a protégé les différentes villes du Sangraë quand elles eurent besoin de nous. Mais il était trop téméraire, et ça lui a coûté la vie, raconta Elijah.
- Que s’est-il réellement passé ? demanda Heôl, en insistant sur le « réellement ».
- Les trois premières batailles ont été remportées par la Cité sans trop de problèmes. Les pertes avaient été minimes à chaque fois. Mais lorsque les Pilleurs s’en prirent de nouveau à de nos villes, votre père, Hëastel, a décidé d’en finir pour de bon et s’est résolu à anéantir les Pilleurs pour toujours. Il quitta la Cité et partit en campagne pendant trois mois. Et seul son corps revint. J’étais de ceux qui avaient ramené son corps.
Au cours des trois mois, il y eut deux batailles. La première, dans le premier mois, était une attaque menée sur le camp principal des Pilleurs, dans les plaines du Pärador. Tout se passa bien. Nous détruisîmes le camp et tuâmes tous ceux et toutes celles qui s’y trouvaient. Ca a été un carnage. Il n’y a pas d’autres mots pour le dire. Et Hëastel s’en est donné à cœur joie pour anéantir ses ennemis. Je ne le blâme pas. Nous étions tous heureux de les détruire, et moi aussi.
Notre erreur fut de penser, qu’en nomades qu’ils étaient, ils n’avaient qu’un camp. En réalité, il y en avait deux autres. Et ils nous attaquèrent sur le chemin du retour. Nous étions plus nombreux et nous pensions nous être suffisamment préparés, certes, mais nous avions baissé la garde. Et ils étaient malins. Ils se sont infiltrés en tant qu’assassins, la nuit. Tous étaient venus. Ils voulaient en finir cette nuit. Ils avancèrent en nombre, discrètement mais rapidement, et tentèrent de nous détruire petit à petit. Ils n’eurent cependant pas le loisir d’en tuer beaucoup. Nous avions prévu cette éventualité et la réaction ne se fit pas attendre très longtemps. Des groupes de dix hommes que nous avions disséminés un peu partout nous rejoignirent et les prirent à revers. Au bout de la nuit, nous les décimèrent. Mais beaucoup d’entre nous perdirent la vie cette nuit là…
- Et mon père ?
- Il affronta le chef des Pilleurs du Vendör. Ils s’affrontèrent dans un duel où personne n’avait le droit de les interrompre. Les combats autour d’eux ne cessaient pourtant pas. Ce fut un long combat. Ils finirent par se tuer tous les deux. Votre père n’était pas un maître à l’épée, ni un combattant exceptionnel. Il était bon, mais le chef des Pilleurs l’était davantage. Cependant, votre père se refusait de mourir, pour encourager les hommes qui se battaient à ses côtés. Il avait compris son rôle et il savait ce qu’il devait faire. Il finit par succomber à toutes les blessures qu’il avait reçues. Mais son adversaire mourut lui aussi, car au dernier moment, dans un sursaut, il se redressa et lui coupa le bras avant de lui enfoncer son épée dans la poitrine jusqu’à la garde. Puis il tomba. Mais ce dernier coup d’éclat nous donna le courage nécessaire pour en finir.
Le lendemain, nous avions gagné. Le jour suivant nous repartîmes et ramenèrent la dépouille de votre père. Il fut alors enterré avec tous les honneurs qu’il méritait. Et puis vous lui avez succédez, même si vous tenez plus de votre mère que de lui… conclut Elijah.
Heôl se redressa en souriant.
- Je vois… dit-il.
- Vous n’avez pas à avoir peur de faire mieux ou moins bien que votre père. Vous avez déjà fait aussi bien que lui jusqu’à aujourd’hui… le rassura Elijah.
Mais Heôl le coupa gentiment :
- Ce n’est pas ça qui m’inquiète, Elijah…
- Ah ? s’étonna ce dernier.
- Je me demande si je pourrais moi aussi me battre et briller autant que mon père sur un champ de bataille… confia le roi en baissant la tête.
Elijah comprenait le jeune homme. Il lui dit :

- Je vous comprends, Sire, mais sachez que pour le moment, vous ne pouvez pas vous permettre de risquer votre vie. Vous n’avez pas d’héritier. Le jour où vous en aurez un et que celui-ci sera suffisamment grand pour régner à votre place, alors là vous pourrez vous rendre sur un champ de bataille. Mais ne faites pas de folie pour le moment. Votre père a dû attendre d’avoir trente deux ans avant d’être sur un champ de bataille pour la première fois.
- Je comprends, ne t’inquiète pas Elijah. Je compte avoir un enfant et profiter du bonheur de l’élever et de l’avoir à ses côtés. Et Gayä ne me pardonnerait pas de partir avant de l’avoir vu grandir…
- Dois-je comprendre que vous craignez plus sa colère que d’être criblé de flèches par vos ennemis ? devina Elijah.
- C’est cela même ! s’exclama Heôl. Si elle devait monter sur le trône le temps que notre futur enfant devienne suffisamment grand, je peux t’assurer que les choses iront bien. Elle a ce qu’il faut pour être reine. Si elle avait été un homme, elle aurait été le roi du Sangraë sans aucun doute…
- Sans doute… » songea Elijah en souriant.
Ils allèrent dormir. Mais au cours de la nuit, un soldat sonna du cor par trois fois : deux longs, suivi d’un plus courts. Elija se leva et monta en haut de la tour de surveillance. Il arriva aux côtés des trois hommes qui surveillaient les alentours de la Cité. Le plus vieux d’entre eux d’approcha du commandant et lui donna un aperçu rapide de la situation :
« On les a repérés à une vingtaine de kilomètres. Ils sont tous réunis et ils avancent assez vite. Ils seront aux portes de la ville d’ici demain après-midi.
Le cœur d’Elijah se mit à battre plus fort. Ils seraient prêts à les recevoir, mais les renforts attendus n’étaient toujours pas arrivés. Ils allaient devoir tenir et causer le plus de dégâts possibles pour soit les repousser, soit les détruire. Mais aucune des perspectives qui s’annonçaient ne lui convenaient réellement.
- Combien sont-ils ? voulut savoir le commandant.
- On n’en est pas encore tout à fait sûr, mais on pense qu’ils sont au moins deux cent mille… » lui répondit un autre garde.
Elijah ne dit rien pendant un moment. Il leur ordonna de continuer à les observer et à le prévenir si un détachement venait à se rapprocher des portes de la ville. Puis il partit, se dirigeant à nouveau vers la chambre du roi pour lui annoncer la nouvelle…
Moins de cinq heures plus tard, le cor sonna de nouveau. Un seul coup : un très long coup, qui résonna dans la ville pendant une dizaine de secondes.
Heôl sursauta. Elijah se mordit la lèvre inférieure. Il avait beau être expérimenté, ça ne l’empêchait pas de ressentir des frissons en songeant à ce qui allait se passer. Tous deux se dirigèrent vers le balcon de la salle du trône, accompagnés de Gayä. Elijah attendit un instant, le temps de s’accoutumer à la lumière du Soleil, puis il apperçut un groupe de cavaliers, chevauchant sur les herbes des prairies qui entouraient la Cité, et qui se rapprochait des portes de la ville.
« Ils veulent donc parlementer… soupira Heôl, presque soulagé. Doit-on les faire venir jusqu’ici ?
- D’après les Anciens Ecrits, nous avons le droit de faire cette entrevue où nous voulons…
- Alors, autant les faire venir là où ils ne pourront rien tenter, suggèra Heôl.
- Vous pensez à la salle du trône ? devina Elijah.
- Je pense à la salle du trône, remplie de tous les nobles de la Cité. Avec moins de dix gardes autour d’eux, pour leur faire croire que nous baissons notre garde. On gardera cet avantage pour nous, expliqua Heôl avec un air sérieux qui donnait l’impression d’être un roi sûr de lui.
- Bonne idée, Majesté. J’irais à leur rencontre et les attendrais à la porte. Puis, je les amènerais jusqu’à vous.
- Bien. Va. »
Et Elijah se mit en route. Une fois sorti du palais, il prit les rênes de son cheval et se dirigea vers les portes. Il croisa deux cavaliers et les enjoint à le suivre. Ensemble, ils galopèrent jusqu’aux portes, où les gardes attendaient l’ordre de les ouvrir. Moins de cinq minutes plus tard, ces mêmes gardes aperçurent Elijah, accompagné de deux autres soldats. Aussitôt arrivé, Elijah descendit de sa monture en lançant :
« Ouvrez les portes.
Les gardes s’exécutèrent. Les soldats qui accompagnaient le commandant se mirent à droite et à gauche de lui. Elijah leur ordonna :
- Quoiqu’il arrive, ne tirez pas votre épée tant que je ne l’ai pas fait. Gardez la main sur le pommeau, mais n’affichez pas de tension. Soyez sur vos gardes, mais n’écoutez que moi. Compris ?
Les deux hommes acquiescèrent d’un signe de tête. Elijah prit une profonde inspiration et se calma avant que les portes ne finissent par s’ouvrir vraiment. Ce qui ne tarda pas à arriver.
Tandis que les gardes tiraient chaque porte, Elijah découvrit le groupe que les Leyfendäriens leur avaient envoyé. Six cavaliers, dont cinq soldats. Un seul homme n’était pas armé. C’était le messager. Il avait été escorté, comme le permettaient les Anciens Ecrits.
Elijah savait qu’ils n’avaient pas le droit de lui faire quoi que ce soit. En effet, si jamais il arrivait quelque chose au messager, et qu’il s’avérait que cela était la faute de la ville dont le messager était « l’invité », la nation qui assiégeait la ville disposait de droits supérieurs que la ville assiégée perdrait alors.
Les renforts par exemple lui seraient retirés ; les femmes et les enfants pourraient être pris comme esclaves ; et la reddition serait impossible… Elijah n’avait jamais assisté à de tels événements, mais il en connaissait l’importance. Alors que les portes étaient presque ouvertes, il murmura à ses deux hommes :
- Ouvrez l’œil. Protégez moi cet enfoiré de messager s’il le faut, mais ne laissez pas ce gamin se faire tuer !
- A vos ordres ! lancèrent-ils en cœur.
Elijah n’avait pas exagéré. Le messager n’était qu’un gamin de quinze ans à peine. Il tremblait énormément sur son cheval, à en juger par la façon dont bougeaient les rênes et les spasmes qui le prenaient par moments. Il avait le regard fuyant. Elijah ne comprit pas pourquoi ils avaient envoyé un gamin pour une mission de cette importance. « A quoi pensent-ils ? » se demanda-t-il.
Le groupe s’avança. Elijah attendit qu’ils soient suffisamment proches de lui et leur dit :
- Je vais vous mener à notre roi. Veuillez nous suivre, je vous prie.
Et il se retourna, monta à cheval et les conduisit jusqu’à l’entrée du palais. Ils descendirent tous de cheval et poursuivirent à pied. Elijah était devant. Les deux soldats qu’il avait croisés en chemin s’était mis sur les flancs gauche et droit du groupe de Leyfendäriens, les encadrant. D’autres soldats se rajoutèrent à eux pour fermer la marche. L’enfant de quinze ans était juste derrière Elijah. Si celui-ci voulait tenter quelque chose, Elijah le saurait. Il n’aurait qu’à le neutraliser et le mettre à l’abri de ceux qui voudraient lui faire du mal pour obtenir l’avantage que prévoyaient les Anciens Ecrits dans le cas où le messager venait à mourir…
Ils arrivèrent finalement devant les portes de la salle du trône. A ce moment là, Elijah se retourna et leur demanda :
- Retirez vos armes et donnez-les-nous. Elles vous seront rendus une fois cette entrevue terminée.
Remarquant une certaine réticence chez deux des Leyfendäriens, il argumenta :
- Vous comprendrez que nous devons être prudents, n’est-ce pas ? Ce n’est pas comme si vous nous menaciez de nous tuer juste aux portes de notre ville…
Cette réflexion eut l’effet escompté. Ils sortirent les épées et les dagues des fourreaux accrochés à leurs ceintures et les tendirent aux soldats Sangraëiens. Après quoi Elijah demanda à ce qu’on ouvre les portes. Une fois ouvertes, le petit groupe entra dans la salle du trône, encerclé des soldats et d’Elijah.
Ils avancèrent en rangs serrés. Elijah remarqua qu’Heôl avait vraiment réunit tous les nobles de la ville. Il devait y en avoir une centaine, qui étaient divisés, une partie étant à droite du trône, l’autre à gauche. Elijah en reconnut certains, mais il y en eut un grand nombre qu’il ne connaissait pas. A vrai dire, il ne s’intéressait plus beaucoup aux jeux de pouvoirs qui avaient lieu au sein de la Cité. Il laissait ça au roi et à la reine.
D’ailleurs, Gayä semblait avoir des prédispositions pour ce genre de jeu et d’intrigue, une sorte d’instinct qui la rendait redoutable. C’était ce qui attirait le plus Heôl chez elle. Cette façon d’avoir toujours trois voire quatre coups d’avance sur ceux qui cherchaient à les piéger.
Elijah se rappela alors la fois où Heôl était venu le voir pour avoir son avis sur le choix de son épouse. Il devait choisir entre Mêly – la fille la plus en vue à l’époque –, Kaëlla – la fille du gouverneur de Laësya et la sœur du commandant des armées de Nôry, une autre ville du Sangraë, et la nièce du noble le plus riche de la Cité – et Gayä – la plus belle à ses yeux, la plus intelligente des trois, et celle qu’il aimait par-dessus tout.
Mais en tant que roi, il savait qu’il ne devait pas choisir pour lui, en fonction de ses goûts, mais surtout en fonction du peuple. Chacun de ses gestes, chacune de ses actions devait être en faveur du peuple. Elijah lui avait alors dit qu’il ne devait pas choisir une femme avec qui il regretterait de passer sa vie. Car un couple royal instable entrainerait l’instabilité du royaume. Il lui conseilla de prendre pour femme et reine celle que son cœur avait élue.
Quand Heôl lui annonça qu’il s’agissait de Gayä, Elijah sourit et lui dit que, « si vous aviez choisie une autre femme qu’elle, je vous aurais royalement rossé votre royal visage… » Heôl avait sourit et comprit qu’il avait fait un bon choix. Le couple royal était devenu l’un des plus beaux que le Sangraë ait connu jusqu’à aujourd’hui, bien loin des intrigues à propos de maitresses ou d’amants auxquels le peuple s’était accoutumé pendant des années…
« Votre Majesté, voici le messager envoyé par le royaume de Leyfendärd. »
Le roi se leva.
Tous posèrent un genou à terre, sauf la reine. Elijah se décala sur le côté, dos au côté gauche de nobles et posa un genou à terre, tandis que le roi passait devant lui. Il remarqua alors que le messager s’était agenouillé lui aussi, tandis que les soldats mirent un long instant avant de réagir et d’imiter finalement le reste de l’assistance.
Il était pourtant habillé comme les autres, avec une tunique aux couleurs de Leyfendärd et le blason du royaume sur l’épaule gauche. Il se doutait que quelque chose clochait…
Heôl s’arrêta à trois mètres du messager et lui demanda :
« Lève-toi, mon garçon. Et rempli ta mission.
Le jeune adolescent s’exécuta. Il se redressa et, regardant droit devant lui, récita :
- Nous, Leyfendäriens, revendiquons notre territoire, arraché de nos mains par les Sangräeiens il y a deux cents ans de cela. Nous vous proposons de vous rendre, selon la Loi des Anciens Ecrits. Si vous vous rendez, femmes, enfants et hommes seront épargnés et vous pourrez fuir pour vous installer loin de notre territoire. Vous pourrez emporter avec vous le strict minimum. Si vous refusez, nous assiègerons la Cité et vous subirez le châtiment que vous méritez pour nous avoir volé notre terre, celle de nos ancêtres. Telle est la proposition de Kâchîray, roi des Leyfendäriens. Profitez de ma clémence et agissez en roi sage et juste. Pensez à votre peuple et à votre survie. Vous avez jusqu’au coucher du Soleil pour me répondre. J’attendrais patiemment et n’attaquerais pas jusqu’à ce que ne se couche l’Astre Suprême. Mais quand sa Sœur se lèvera, nous attaquerons. Qu’il soit fait selon ce qui a été dit et que rien ne vienne changer le contenu et la signification de ce message.
Après avoir terminé, l’adolescent sorti de l’intérieur de son vêtement un rouleau de papier, scellé par le sceau royal de Kâchîray. Il le tendit au roi et ne bougea plus, attendant.
Elijah se leva et s’empara du papier. Il le tendit ensuite à Heôl, qui brisa le sceau et en lut le contenu. C’était exactement ce que le jeune homme venait de dire. Une trace écrite, une sorte de contrat. Heôl retourna vers Gayä et le lui tendit. Pendant qu’elle lisait, il se tourna vers l’adolescent et lui demanda :
- Quel est ton nom ?
Ce dernier hésita, avant de répondre :
- Mihaël, mon roi…
- Tu viens de Laësya, n’est-ce pas ? devina-t-il.
Heôl vit alors la panique s’emparer du visage de Mihaël et la stupeur se dessiner sur le visage des gardes qui l’escortaient. Heôl descendit deux marches puis lança aux gardes :
- Kâchîray prétend respecter les règles des Anciens Ecrits, mais son messager est un captif… Il envoie un enfant faire le travail que devrait faire un Leyfendärien. Il espère peut-être que je transgresse la Loi en le tuant – pour je ne sais quelle raison –, me mettant à dos mon peuple, et justifiant la guerre menée par votre roi. Votre roi n’a aucune raison de s’en prendre à mon peuple et il a voulu jouer à un jeu dangereux. Comme le permettent les Anciens Ecrits, je vais accueillir Mihaël, et lui donner refuge, parmi son peuple. Quand à vous, vous retournerez voir votre roi et lui répondrez ceci : « Cette terre n’est pas la vôtre, et n’a jamais appartenue à vos ancêtres. Par deux fois vous avez tenté de nous la voler et de nous détruire, et par deux fois nous vous avons repoussé. Nous vous repousserons encore, afin de protéger le véritable héritage de nos ancêtres : cette terre pour laquelle ils combattirent et qu’ils défendirent en donnant leurs vies pour que nous puissions vivre. Nous ne capitulerons pas. Nous nous battrons, comme eux. Et comme eux, nous l’emporterons ! »
Il avait à peine terminé qu’une acclamation monta subitement de la foule autour de lui. Les nobles l’acclamèrent et lui montrèrent son soutien. Même Mihaël ne put s’empêcher de sourire, soulagé. Elijah savait ce que ce garçon pensait : « Ce roi est conscient que son peuple s’est battu pour protéger Laësya, et que même s’ils ont échoués, ils ont donné leurs vies pour sauver leur ville, leurs familles et en partie le royaume de Sangraë… Heôl n’a pas oublié les vies qui ont été sacrifiées dans ce but. Voilà pourquoi ce gamin, ainsi que les nobles autour de lui, acclament Heôl…»
Les soldats se levèrent. Ils tentèrent de cacher leur colère. Heôl fit signe à Mihaël de sortir du groupe et de rejoindre des nobles sur le côté. Le roi regarda alors les soldats et leur enjoint de retourner voir leur roi et de transmettre sa réponse. Puis il se retourna pour s’asseoir auprès de son épouse, qui lui souriait, fière de lui.
Les soldats ne dirent rien. Elijah nota alors qu’ils n’avaient rien dit depuis le début. Ils s’étaient tut et n’avaient jamais prononcé un mot. Il sentit une inquiétude monter en lui. Il jeta un coup d’œil aux soldats et remarqua un rictus sur le visage de l’un d’eux. Il vit alors les soldats porter une main à leur bouche.
Elijah allait hurler quelque chose mais son corps agit inconsciemment. Il se jeta devant les soldats alors que ceux-ci sortaient un couteau, caché dans leur bouche. L’un d’eux lança le couteau vers Hêol.
Elijah vit que le roi n’avait rien remarqué. Au moment où celui-ci se retourna, entendant un début de cri, le couteau n’était plus qu’à un mètre et demi de son visage.
C’était trop tard.
Soudain, le couteau s’arrêta dans les airs, à trente centimètres de  l’œil d’Hêol.
Les soldats Leyfendäriens jurèrent en voyant un homme aux cheveux courts, noirs, comme les ailes d’un corbeau, tenir dans sa main le couteau en question. Il était aussi grand que le roi, portait une armure aux couleurs d’ivoire et de sang. Il avait une cape blanche et brodée de fils rouge. Il avait la peau claire, les yeux clairs, un regard sympathique, et un air détaché, sans être irrespectueux. Il dit au roi :
« Si vous permettez, votre Majesté…
Le roi fit un signe de la tête et le laissa ôter sa main et lui remettre le couteau. Heôl ne mit pas longtemps à reprendre son sang froid et, fusillant les soldats du regard, lança :
- Dois-je imiter votre roi et, à son image, faire preuve de sa légendaire clémence ?
Il réprima un sourire en voyant les soldats ennemis déglutirent, craignant cette menace. Comme Heôl s’en doutait, Kâchîray n’était pas connu pour sa clémence, bien au contraire. A ce moment là, Heôl hésita. Devait-il les laisser partir comme si de rien n’était, ou bien devait-il les punir et faire passer un avertissement au souverain qui s’en prenait à son royaume et à son peuple.
Heôl adressa un regard à Gayä qui avait deviné ses pensées. Elle le regarda d’un air qui voulait dire « Ne prends pas de risques de te mettre à dos plus de gens que nécessaire ». Il jeta un coup d’œil à Elijah, qui lui fit signe de ne rien faire de stupide. Ce n’était pas parce qu’Heôl avait l’habitude d’agir sans réfléchir, mais parce que n’importe qui, dans sa position et dans cette situation, aurait pu légitimement punir ceux qui venaient d’attenter à sa vie. Mais il n’était pas du genre à vouloir la mort de ses ennemis. Pas tant que ça n’était pas nécessaire.
- Laissez-les partir… décida-t-il finalement.
Un silence suivit le choix qu’avait fait le roi. Les nobles ne savaient pas quoi faire. Fallait-il applaudir la clémence du roi ? Fallait-il ne rien faire ? Que faire au fond ? Ils n’eurent pas à réfléchir plus longtemps. Un des Leyfendäriens hurla :
- Vous n’avez pas le droit !
Et il se rua vers le roi. L’un de ces camarades à sa suite. Celui-ci fonça sur Elijah et lui asséna un coup de couteau qu’Elijah dévia avec sa main avant de le frapper. Le soldat recula en se tenant le nez, pestiférant des jurons. Elijah glissa ses mains derrière son dos et sortit deux dagues incrustées d’or et d’argent. Il fit deux pas en avant et planta une dague dans le ventre du soldat puis l’autre dans le flanc droit. Puis il retira les dagues et donna deux autres coups. Puis deux autres. Tout ça en moins de deux secondes. Elijah laissa le corps s’écrouler et se prépara à lancer les dagues sur le soldat qui courait vers le roi.
Mais il n’eut pas à le faire. L’homme qui avait sauvé le roi lui tendit le couteau qui avait faillit le tuer et il se décala. Heôl esquiva le coup de couteau en se tordant sur le côté. Le Leyfendärien tenta un coup horizontal mais le roi le bloqua en attrapant son poignet, il tourna sur lui-même et planta la dague entre l’épaule gauche et le cou de l’ennemi. L’homme émit un gémissement et laissa tomber son arme. Il recula d’un pas, se tenant l’épaule. Heôl le frappa au visage avec une force que peu de personnes lui connaissaient. Le soldat tomba à terre. Les autres se lancèrent sur le roi. Les gardes mettraient un peu trop de temps avant de les rattraper et de les neutraliser. Heôl était fort, mais il ne pourrait s’en sortir indemne face à autant d’adversaires…
- Si vous voulez bien, mon seigneur… demanda alors l’homme à côté d’Heôl en se préparant à dégainer son épée.
Heôl fit un signe d’approbation de la tête. Sans savoir pourquoi, il avait confiance en cet homme qu’il n’avait jamais vu.
Celui-ci se mit devant le roi et sortit son épée de son fourreau. Sa lame était droite, resplendissait comme un rayon de Soleil. Sur le pommeau, une tête de dragon avait été sculptée. Il était blanc avec des yeux rouges comme le rubis, étincelants.
L’homme décrivit un arc de cercle avec la lame et baissa sa garde. Les soldats lui tombèrent dessus, un par un. Il évita le premier coup, planta sa lame dans la poitrine du premier soldat, tourna autour de lui, frappant au passage le deuxième qui s’apprêtait à lui asséner un coup. Le soldat n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit. La lame de son épée à peine sortie du corps du premier soldat, elle trancha la gorge du troisième, qui tentait de l’attaquer sur le flanc gauche, avant de se ficher dans le ventre du second.
Les trois corps tombèrent presque en même temps. Les deux soldats restants marquèrent un temps d’arrêt. Ils n’avaient pas peur, mais ils n’étaient pas fous : ils savaient qu’ils n’arriveraient à rien en s’y mettant à un contre un. Il leur fallait attaquer ensemble. Ils se ruèrent sur lui, en silence. Mais les gardes royaux les avaient rattrapés et les tuèrent avant qu’ils ne fassent trois pas.
L’homme rangea alors son épée et se tourna vers Heôl. Il s’inclina légèrement, exécutant le salut habituel des nobles, une main derrière le dos, une autre devant lui. Il le salua en disant « Mon roi » et se remit sur le côté. Les nobles s’écartèrent quand il passa à côté d’eux. Heôl avait une foule de questions à lui poser mais il préférait remettre ça à plus tard et s’occuper d’affaires plus urgentes.
Un noble prit cependant les devants et demanda, une pointe d’inquiétude dans la voix :
- Que faisons-nous, Votre Grâce ?
Heôl prit une dizaine de secondes pour réfléchir. Il remit ses idées en place et comprit qu’il devait marquer le coup. Il n’avait pas le choix.
- Elijah, et vous – il pointa du doigt l’homme à l’armure d’ivoire – et vous – il désigna les soldats de la garde royale – suivez-moi. Qu’on prépare mon cheval, et qu’on s’apprête à ouvrir les portes de la Cité. Je vais aller à leur rencontre, annonça Heôl, provoquant une stupeur générale parmi tous ceux présents dans la salle.
Avant que ne s’élèvent des contestations, Heôl descendit de son trône et sortit de la salle, accompagné d’Elijah – qui semblait visiblement vouloir parler –, de six gardes et de l’homme à l’armure blanche. C’est à lui qu’il s’adressa, tandis qu’on lui amenait son armure et qu’il l’enfilait tout en marchant.
- Puis-je savoir votre nom, chevalier ?
- Ikâr, répondit-il.
- Ikâr… ?
- Ikâr Gaêlya.
- Et vous venez d’où ?
- A l’origine, j’étais un enfant de Maësrya. Mais quand j’ai eu dix ans je suis parti et j’ai beaucoup voyagé dans Nëa, expliqua brièvement Ikâr.
- Je vois… Vous avez une sacrée maîtrise de votre épée en tout cas, constata Heôl. J’ai eu l’impression de voir mon maître d’armes combattre quand il avait vingt ans de moins ! ajouta-t-il en adressant un sourire à Elijah, qui le lui rendit, partageant sa pensée. Cependant…
Il marqua une pause le temps d’enfiler sa cotte de maille. Puis il reprit tout en l’ajustant :
- J’ai l’impression que vous n’êtes pas un noble à part entière, je me trompe ?
- Non, vous avez raison, avoua Ikâr sans rien cacher.
- Vous n’avez pas de nom appartenant à la noblesse, ni de terres, de domestiques, ou de biens à vous, c’est ça ?
- Si ce n’est cette armure et cette épée, je n’ai rien d’autre qui ne m’appartienne, déclara Ikâr en regardant droit devant lui pendant que le roi mettait sa cuirasse.
- Et puis-je avoir confiance en ton épée ? Nous soutiendras-tu pendant cette guerre ? demanda le roi en ajustant ses brassards.
- Si c’est ce que vous désirez, mon épée sera à votre service, lui assura le chevalier.
- Bien.
Ils sortirent du palais. Le cheval du roi, un pur sang à la robe brune, presque rouge, était là, avec son écuyer. Le roi s’assura que son épée était bien à ses côtés puis il monta à cheval, suivit par Elijah et les gardes royaux. Ikâr siffla et son cheval, d’un blanc immaculé, apparut au bout de la rue et le rejoint. Il monta lui aussi et ils partirent ensemble, au galop.
Durant leur trajet, les gens qu’ils croisaient et qui reconnaissaient le roi les acclamèrent avec des cris. Le roi ne laissa rien paraître, si ce n’est une détermination à toute épreuve. Ils ne tardèrent pas à se retrouver devant les portes des murailles de la Cité. Des soldats par dizaines étaient postés sur les murailles, prêts à sortir quand l’ordre serait donné. Les archers n’attendaient qu’un mot du roi pour lâcher leurs flèches sur les assaillants, qui étaient presque à portée de tirs.
Le roi ordonna à ce qu’on ouvre les portes. Pendant ce temps, la garde royale se mit en formation autour du souverain. Deux soldats devant, deux soldats derrière et le reste de chaque côté. Elijah était à droite d’Heôl, donnant des ordres aux soldats qui restaient à l’intérieur des murailles, et Ikâr était à gauche. Une fois les portes ouvertes, le petit groupe avança au trot vers l’immense armée qui se tenait devant eux.
Ils avaient parcouru environ la moitié de la distance qui les séparait des Leyfendäriens qu’un groupe de cavaliers se détacha du reste de l’armée pour venir à leur rencontre.
Ils s’arrêtèrent et les attendirent. La tension monta d’un cran. Et pas seulement chez les gardes. Heôl commençait à stresser et Elijah craignait que quelque chose ne dérape – encore… Seul Ikâr ne paraissait pas montrer son inquiétude.
Quand le groupe arriva, les hommes se firent face et se regardèrent avec une certaine appréhension.
Le groupe de Leyfendäriens étaient visiblement composé du commandant de l’armée, du roi et de six autres soldats. Le roi Kâchîray donna un coup de talon dans les flancs de son cheval à la robe beige et sortit légèrement du groupe. Ses soldats se répartirent derrière lui en demi-cercle, son commandant restant en retrait.
Heôl s’avança à son tour, et les deux rois se regardèrent pendant un instant. Kâchîray était tel qu’Heôl l’avait imaginé. Un homme massif, musclé, aux cheveux châtains, longs et bouclés, aux yeux noirs, perçants. Son visage était dur et une estafilade lui parcourait la joue droite, légèrement en dessous de la tempe, et descendait jusqu’au bas de la joue. L’homme portait son armure royale. Sa cuirasse au métal noir était ornée des deux lions dorés, symboles du Leyfendärd. Ses épaules étaient recouvertes de pièces d’armure du même métal sombre que celui qui composait la cuirasse. Il portait aussi une cotte de maille aux couleurs d’argent. Ses brassards et ses jambières étaient dorées. Une épée au fourreau doré pendait à son côté droit. Kâchîray était gaucher. Il avait la réputation d’être un bretteur redoutable. Heôl n’était pas mauvais, mais il était conscient de son manque d’expérience et préférait ne pas se frotter à Kâchîray dans un combat singulier.
Ce qui lui importait vraiment c’était les conséquences qu’auraient ses actions sur ses sujets. Il savait qu’il n’avait pas le droit à l’erreur. C’est pourquoi il réfléchissait rapidement, mais il réfléchissait bien. De façon à ne pas commettre de faux pas dans ses paroles ou dans ses actes.
Il attendit que Kâchîray fasse le premier pas. Ce qui ne tarda pas à venir :
« A en juger par ta présence sur le champ de bataille, équipé de la sorte, je devine que tu ne comptes pas te rendre, n’est-ce pas ?
- En effet, confirma Heôl d’une voix qui ne tremblait pas.
- Et puis-je savoir ce qui est arrivé à mon messager et aux soldats qui l’escortaient ? voulut-il savoir.
- Mihaël va bien…
- Mihaël ?
- Ton messager… soupira Heôl en souriant, savourant l’expression de surprise qui passa un court instant sur le visage du roi Leyfendärien.
- Ah d’accord. Et les soldats ?
- Ils ont tenté de me tuer… raconta Heôl. Mais je t’avouerais que je ne comprends pas pourquoi. Je suis certain que tu leur avais bien dit de ne pas tenter quoi que ce soit qui pourrait nuire aux négociations, n’est-ce pas ?
Kâchîray sourit amèrement. Il ne dit rien pendant une seconde ou deux, prit appui sur la selle de son cheval et se redressa, puis il détourna le regard. Moins de deux secondes plus tard il reprit :
- Que comptes-tu faire, jeune roi ?
Le ton avait changé. Il était devenu plus grave, plus lourd, et aussi chargé de menaces. Si Heôl se sentait moins sûr de lui, il n’en laissa rien paraître :
- Défendre mon royaume et la vie de ceux qui en font partie.
Kâchîray sourit, et Heôl devina qu’il se moquait de lui. Ses impressions se confirmèrent lorsque le roi lui lança :
- Tu es jeune, et encore naïf. Tes prédécesseurs ont pu tenir car ils avaient un peu d’expérience. Mais toi, tu agis de la pire façon qui soit.
Les soldats faillirent dire quelque chose. Il s’en fallut de peu, mais Elijah s’était brièvement retourné et avait tendu sa main en arrière, leur ordonnant de ne pas bouger et de se taire.
C’était un jeu auquel chaque roi devait participer. Elijah se souvint de la fois où il avait lu les règles de la guerre pour la première à Heôl, qui n’était pas encore roi, mais qui savait qu’il devait se préparer pour tenir son rôle le jour venu. Et cette fois-là, ils s’étaient amusés à simuler les entrevues qui précédaient le début de chaque guerre. Mais aujourd’hui, Heôl ne trouvait pas cela amusant, bien au contraire…
- Il est encore temps pour toi de sauver les vies auxquelles tu prétends tenir tant : rends-toi et accepte nos conditions. Tu sauveras plus de vies que si tu t’entêtes à vouloir nous faire face, expliqua Kâchîray. Notre armée compte deux cent trente mille hommes, et la tienne n’en compte pas plus de cent cinquante mille. Tu sais très bien que cette bataille est perdue d’avance. Alors agis en roi et fais ce qui est le mieux pour les gens du Sangraë : abandonne.
Heôl ne dit rien pendant deux secondes. Et c’est ce qui donna le sourire à Kâchîray. Mais ce sourire fut de courte durée lorsqu’Heôl ôta son gant gauche et prit la dague accrochée à la ceinture. Kâchîray s’attendait à ce que ça se passe ainsi, mais il ne l’espérait pas…
Heôl, du haut de ses vingt et quelques années, leva sa main gauche, paume écartée et face au roi Leyfendärien, et s’entailla la peau juste assez pour que coule un peu de sang. Il serra alors le poing et lança :
- Par mon sang, je fais le serment, de défendre par tous les moyens à ma disposition, ceux qui ont demandé ma protection. Par mon sang, je promets qu’en tout temps, je serais aux côtés de mes sujets, et que jamais je ne les abandonnerais. Et par mon sang, je jure d’aller de l’avant, et de me battre jusqu’à la fin, afin que tout cela ne soit pas arrivé en vain.
Kâchîray soupira.
« Il l’a fait… » pensa-t-il en entrant dans une profonde colère intérieure. Heôl avait prononcé le Serment du Sang, qui marquait la volonté d’un roi à défendre son peuple et donc, l’entrée officielle en guerre du Sangraë contre le Leyfendärd.
Kâchîray saisit les rênes de son cheval et annonça, en partant au trot :
- Alors c’est parti… Donnez le signal.
A cet instant là, le groupe repartit en direction du campement et le commandant de son armée souffla dans un cor. Des cris s’élevèrent parmi les soldats massés à quelques centaines de mètres de là, et l’agitation se répandit parmi eux.
Une fois qu’ils se furent éloignés suffisamment, Heôl fit tourner sa monture et rejoint Elijah et Ikâr. Et ils retournèrent au trot vers les portes de la ville.
Tout à coup, un autre cor sonna. Ils jetèrent un coup d’œil derrière eux et virent un groupe de soldats se détacher du corps principal de l’armée. Ils venaient vers eux en trottinant. Ils devaient être une dizaine.
- A quoi il joue ? demanda un des soldats, près du roi.
Heôl ne comprenait pas vraiment. Ce fut Elijah qui lui expliqua :
- Presque la moitié de nos hommes sont sur les remparts à regarder, prêt à combattre. Kâchîray veut montrer ce qu’il peut faire avec peu d’hommes, pour ébranler la confiance qu’ils ont en eux…
Heôl comprit et réfléchit rapidement. Elle lui permettrait peut-être même de gagner du temps.
Il jeta un coup d’œil en arrière et compta : il devait y avoir huit soldats, et ils n’avaient pas l’air d’être les plus faibles de l’armée, à en juger par leurs armures et la façon dont ils se déplaçaient. Ils comptaient attaquer en groupe visiblement.
- Ikâr ?
- Mon roi ?
- Tu penses pouvoir t’en charger ? demanda Heôl.
- Oui.
- Alors, occupe-toi d’eux. Prends ton temps.
- A vos ordres.
Ikâr arrêta alors son cheval, descendit et donna une tape sur l’arrière train de l’animal, qui repartit en courant vers les portes de la Cité.
Pendant ce temps, Heôl demanda à Elijah :
- Les hommes sont-ils prêts ?
- Ils le sont, mon roi.
- Alors, c’est parti… fit-il.
- A vos ordres, Votre Altesse. »
Et Elijah demanda l’arc d’un des soldats à côté de lui. Il lui demanda aussi une flèche, à laquelle il accrocha un foulard rouge. Il banda l’arc alors qu’ils étaient encore assez loin de la Cité. Sans ralentir son cheval il se retourna légèrement et visa haut dans le ciel. La flèche fila dans le ciel.
Dans les dix secondes qui suivirent, deux régiments de soldats Sangraëiens sortirent de la gauche et de la droite, et commencèrent à contourner les murailles de la ville pour rejoindre Heôl et Elijah. Mais il leur faudrait du temps avant que tous les hommes ne parcourent la distance qui les séparait du roi. Et il leur faudrait encore plus de temps pour s’organiser et se préparer au combat.
Elijah n’avait fait sortir que trente mille hommes. Ceux-ci devraient contenir les soldats Leyfendäriens, qui ne pourraient pas tous attaquer en même temps. Ils viendraient, se feraient tuer et d’autres prendraient leur place. Les Sangraëiens devraient tenir pendant que d’autres feraient pleuvoir des flèches et d’autres projectiles sur l’armée ennemie. Avec ça, ils tiendraient, et ils auraient le temps d’aviser. Il ne fallait pas perdre trop d’hommes ni trop de terrain. Elijah était conscient de tout cela.
Les hommes étaient encore trop loin lorsque le groupe ennemi arriva près d’Ikâr. A moins de trente mètres de lui, l’un d’eux sprinta sur lui, suivi de près par un autre soldat.
Ikâr tira son épée hors de son fourreau. La lame étincela au Soleil.
Le premier soldat tenait une épée à la main. Pour toute armure, il ne portait qu’une cuirasse noire et dorée, ainsi qu’un brassard légèrement décoré d’un lion sur chaque bras. Le reste consistait en une tunique noire. Le deuxième avait une lance, avec un foulard noir à la base de la pointe. Il était vêtu comme le premier.
Ce dernier attaqua Ikâr de front. Le chevalier esquiva en faisant un pas sur la gauche et attaqua à son tour, visant le flanc droit. Le guerrier para, pivota et enchaîna une série de coups rapides et puissants.
Ikâr sentit le deuxième soldat s’approcher de lui. Il se baissa pour esquiver un coup horizontal porté au niveau de sa poitrine. Puis il se redressa, donnant un coup d’épée ascendant qui faillit entailler la poitrine de l’homme si celui-ci n’avait pas reculé.
Mais en reculant il décala son épée sur le côté et Ikâr en profita : il sauta, lui donna un coup de pied dans la poitrine, le repoussant tout en prenant appui sur lui pour sauter à un peu plus d’un mètre du sol. Une fois en l’air il se retourna et dévia la pointe qui filait droit dans son dos d’un revers de la lame.
Ikâr se rapprochait du lancier. On avait l’impression qu’il avait prévu la trajectoire de son adversaire avant même que celui-ci n’y pense. Il pénétra la zone vitale du lancier. Le soldat lâcha sa lance et s’apprêta à sortir une épée courte. Ikâr ne lui en laissa pas le temps. Il le frappa au ventre, puis il s’empara de l’épée courte, fit un tour sur lui-même, la lança sur le premier soldat, qui se relevait tout juste et lui transperça la poitrine. Et il termina son tour en enfonçant la lame de son épée dans le ventre du lancier. En douceur. Alors que son âme quittait le corps du lancier, Ikâr le laissa tomber doucement. Puis il fit face aux soldats qui venaient d’arriver.
Il sentit leur angoisse. Ils étaient venus en pensant l’écraser, mais maintenant ils comprenaient qu’il serait plus coriace que ce qu’ils s’étaient imaginés.
Et à en juger par la colère qu’Ikâr put lire sur le visage de certains d’entre eux, ces huit là – enfin maintenant ils n’étaient plus que six – étaient des amis proches et pas de simples combattants. Ca ne lui simplifiait pas la tâche.
Il les observa attentivement. Ils s’étaient placés en un demi-cercle irrégulier devant lui. Deux d’entre eux portaient une épée et un bouclier, trois autres tenaient une lance et le dernier avait deux épées dans le dos. Ils l’observèrent lui aussi, lui, son épée blanche et l’épée courte qu’il avait dérobée au lancier. Ikâr sentit leur rage meurtrière devenir plus grande. Il attendit encore un peu, sachant à quoi s’attendre de la part d’hommes comme eux.
Les premiers à bouger furent deux lanciers. Ils lui foncèrent dessus en agitant les pointes de leurs lances de façon à l’obliger à dévier leurs attaques mortelles, pour qu’il ne puisse pas se préparer à encaisser une autre attaque.
Les deux soldats au bouclier l’attaquèrent par les flancs pendant ce temps. Mais ils n’avaient pas fait trois pas vers lui qu’Ikâr fit un bond en arrière, laissa tomber son épée ainsi que l’épée courte, fit glisser ses mains dans son dos d’un geste rapide et précis, s’empara de couteaux de lancer et les lança sur les soldats.
Ceux-ci les dévièrent avec leurs boucliers. Mais cet instant de répit permit à Ikâr de contre attaquer. Il courut vers un des soldats et se jeta sur lui, à mains nues. Le soldat tenta de lui transpercer l’abdomen. Ikâr se décala sur la droite tout en tournant sur lui-même et lui saisit le poignet droit. Après quoi il fit tourner le bras de l’homme et le mit à terre. Il prit l’épée et donna un violent coup de pied dans la tête du soldat. Il l’assomma et se retourna tout en se fendant pour éviter un coup de lance destiné à lui transpercer l’épaule. Et, implacable, il contre-attaqua.
Le coup fut bref, net et précis : la lame décrivit un cercle et il entailla le ventre du premier lancier, alors qu’il plongeait pour éviter sa lance. Puis arriva le deuxième lancier, qui tenta de le clouer au sol en visant ses jambes. Ikâr feinta. Le lancier rata son coup mais réagit juste à temps en reculant pour conserver la distance nécessaire à sa survie. Il continua donc de reculer tout en attaquant les jambes d’Ikâr.
Le guerrier ne tarda pas à trouver une combine. Il feinta pour la troisième fois. En réalité il fit semblant de feinter mais il s’arrêta net au moment où la pointe de métal s’enfonça dans le sol, à côté de lui. Il saisit alors la hampe de la lance et tira le lancier à lui. Celui-ci eut la présence d’esprit de tout lâcher pour tirer son épée. Mais Ikâr lui donna un coup à la tempe avec la hampe et il le sonna l’espace de deux voire trois secondes, car ils ne portaient pas de casques. Ces secondes lui furent fatales.
Ikâr retira la lame de l’abdomen du lancier et le corps tomba lourdement par terre. Le chevalier blanc n’eut pas le temps de se reposer. Il restait un autre lancier et un dernier soldat.
Le troisième lancier tarda à l’attaquer. Ce fut le soldat à l’épée qui s’en prit à lui le premier. Ikâr avait gardé la lance jusqu’à maintenant mais il la jeta aux pieds de son ennemi. Celui-ci sauta par-dessus pour ne pas se prendre les pieds dedans puis il attaqua Ikâr sans répit. Tant et si bien que ce dernier ne pouvait que parer ou éviter les coups.
Le soldat se mit alors à garder le rythme et pendant une bonne trentaine de secondes, il s’évertua à forcer la défense d’Ikâr. Mais il commença à fatiguer. Il recula de quelques mètres, comprenant qu’il n’arrivait à rien, et souffla un peu. Pendant ce temps, Ikâr se redressa et dégrafa sa cape, qui s’envola au vent. Quinze secondes passèrent, puis le soldat prit une inspiration en fermant brièvement les yeux.
Quand il les rouvrit, Ikâr était à moins d’un mètre de lui. Il paniqua. La lame s’enfonça profondément dans sa chair et il poussa un dernier soupir, murmurant quelque chose qu’Ikâr ne comprit pas. Il resta là pendant cinq secondes et regarda autour de lui.
Les Sangraëiens étaient presque en place. Les Leyfendäriens se préparaient à lancer un assaut général. Le dernier soldat, le lancier, était à une dizaine de mètres de lui, sur sa droite, entre l’armée ennemie et lui. Son épée était par terre, à moins de trois mètres derrière lui.
Ikâr laissa tomber le corps sans retirer la lame. Il fit quelques pas et ramassa son épée, d’un air détaché.
Tandis qu’il se baissait, il entendit un cri étouffé. Il fit volte face et dévia d’un coup d’épée la lance que le soldat voulut planter dans le bas de son dos. Emporté par son élan, le soldat se rapprocha trop d’Ikâr. Il s’arrêta brusquement et réussit à éviter un coup de poing porté au visage. Puis il fit un bond en arrière et recula. Ikâr attendit qu’il pose un pied à terre puis il lui fonça dessus et lui donna un coup de pied sur sa jambe d’appui. Il le déséquilibra. Le soldat manqua de tomber, il se rattrapa sans perdre son sang froid puis para un coup d’épée avec la hampe de sa lance. Ikâr réussit à l’entailler mais ne la brisa pas. Le soldat essaya de s’en servir pour lui donner des coups. Ikâr en évita un, puis un deuxième, puis il tourna sur lui-même et donna un coup d’épée qui eut raison de la lance.
Elle cassa.
L’homme lâcha tout puis tira son épée, puis la leva et donna un coup sur la tête du chevalier avant que celui-ci n’ait fini son tour. Ikâr glissa sa main à sa ceinture et elle toucha le pommeau de sa dague. Il la tira. Ikâr leva son épée et bloqua celle de son adversaire avant qu’elle n’atteigne sa tête. Leurs corps s’entrechoquèrent. La lame de sa dague s’enfonça dans l’estomac du soldat, qui eut le souffle coupé.
Il retira sa dague et il entendit le soldat tomber par terre.
Il y eut un instant de silence, qui sembla durer des heures. Les deux armées semblèrent arrêter toute manœuvre. Ikâr comprit que les deux camps les observaient depuis le début. Combien de secondes passèrent ? Il n’en s’eut rien. Il regarda autour de lui et vit les corps des huit soldats Leyfendäriens qu’il venait de tuer. Il avait commencé à remplir son rôle…
Puis des clameurs montèrent parmi les soldats Sangraëiens. Et un cavalier galopa vers lui, le cheval d’Ikâr à côté de lui. Quand il arriva près de lui, Ikâr reconnut Elijah. Il monta à cheval et le rejoint, après quoi ils lancèrent leurs montures au triple galop jusqu’aux portes principales de la ville. Ils ralentirent un peu avant, passant près des troupes, qui hurlaient en voyant Ikâr.
« Vous avez fait des heureux à priori…
- Il semblerait.
- Qui vous a appris à vous battre comme ça ? demanda Elijah, les yeux rempli d’admiration.
- Mon maître… dit Ikâr en souriant.
Soudain, des trompettes sonnèrent.
Ils s’arrêtèrent, juste devant les portes de la Cité. Elijah annonça :
- Ca y est… La guerre a commencée. »
Revenir en haut Aller en bas
Manu
Petit poète
Petit poète



Nombre de messages : 40
Date d'inscription : 07/01/2010

Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2) Empty
MessageSujet: A l'intention du ou des lecteur(s)   Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2) EmptyLun 30 Déc - 17:25

Bonjour,
J'aurais souhaité avoir vos avis afin de me faire une idée de cette histoire qui me tient à coeur. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, ce que vous n'aimez pas dans cette histoire et ce qui vous plait. Tous les avis sont les bienvenus.
Merci par avance,
Cordialement,
Manu.
Revenir en haut Aller en bas
 
Chroniques des Anges de Nëa (Chapitre 2)
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Chroniques des Anges de Nëa (chapitre 3)
» Chroniques des Anges de Nëa
» "Et si..." - chapitre 5 (1ère partie )
» "Et si..." - chapitre 5, partie 2.
» "Et si..." - chapitre 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Poésie en ligne :: Histoires-
Sauter vers: