XXVIII. Un ciel :
Belle, tendre dame, étoile polaire
de mes nuits européennes solitaires,
de ma noirceur nordique, joyeux luminaire,
souffrez que je ne puisse plus secret taire.
Acceptez-donc ici mon hommage absurde
à vos pieds, vous ma si belle étude,
tableau de ciel sous la belle croix du Sud
de ma carte du tendre, vraie latitude.
Chaque jour est un pas sur la route d’exil.
Chaque heure est hésitation sur le fil
que l’aiguille des minutes, là enfile
pour en points serrés de secondes, mon profil
là, en rêves imaginaires vifs, broder.
Et les badauds et les passants de brocarder
cet amoureux transi qui n’ose t’aborder
et timide préfère là se saborder.
Idiot, arborant son cœur troué comme
étendard de bataille, imposteur, homme
de peu, glorifiant sa peur. Vieille pomme
tavelée et ridée, un futur fantôme.
En livrée de Satie, arlequin desséché,
même plus amadou pour enflammer bûcher
de sentiments feints, défunts. Quoi gamahucher ?
Que nenni, je refuse cette joie cachée.
Alors, en culture, dissimulons désespoir
morne et calme quand, hélas, vient le soir
en sa pénombre et ses vides nuits noires,
parfois, oh ce luxe, parées en gaie moire.
De vous, pourquoi encore ici vous l’écrire,
je désespère et ne puis que me languir.
Sans doute devrais-je à d’autres élargir
mon horizon ; mais ce serait feindre, mentir.
Je devrais sans doute me taire en silence
digne. Ne pas geindre, gêner, dignes stances
à ma dame. Feindre ignorer l’absence
qui à chaque souffle mon flanc lance.
Debout le clown ! bravo pour le nez rouge.
Danse, valse, saute donc ! souris et bouge.
Prend pause auguste, ignore le bouge,
sculpte le monde avec cette gouge.
Art brut, haché en ses pauvres traits primitifs.
Sentiments vrais certes là exprimés à vif.
Mes tourments ridicules de tendre plumitif
exsudés en ces vains lacrymaux mots plaintifs.