Nocturne

Et si ce soir au rêve je m'abandonne
sous ce chaton tyrannique qui ronronne
et ses caresses vespérales ordonne.
Bête exigeante, petite fanfaronne.

Chaton envahissant en robe pie-noire,
ronronnement apaisant, tisane du soir,
fourrure noiraude et quel plaisir de voir
l'animal yeux clos jouissant sans se mouvoir.

Qui d'autre paierait de ses ronronnements,
de mes doigts langoureux et lents le mouvement.
Si un jour je vous amenais ainsi au firmament,
récompenseriez-vous si chichement l'amant ?

Ah la bougresse, sans cesse poussant du col,
les yeux flamme claire et pâle alcool
alors que de mes épaules la décolle
gentiment, la repousse, la pose au sol.

Vexée la noiraude s'éloigne sautillant
à pas de chaton, crabe vacillant.
Ainsi je peux concentrer en un rythme lent
ma rêverie évoquant un regard troublant.

Enfin cœur léger, guilleret, tête vide,
je vois lune monter froide, impavide
et alors que penser à vous me déride ;
je suis éveillé en un rêve lucide.

Moi, écureuil joyeux rêvant de noisettes,
oui deux jolis yeux, regard de brunette,
car j'ai trouvé l'objet de ma longue quête,
belle plante au parfum de violette.

J'ai au bout des doigts un vide qui palpite.
Je connais cette vacuité qui m'habite ;
cette absence lancinante agite
mon esprit qui vers vous là se précipite.

Je vous sais en votre haute tour recluse
pour ne pas vivre. Voilà belle excuse.
Osez donc de vos lèvres franchir l'écluse
et exprimer vos sentiments, douce muse.

Pendant que j'écris, la nuit est venue.
Je le confesse, vous que je porte aux nues,
parfois je rêve et vous imagine nue,
licence poétique, terre inconnue.

La nuit, ses démons tombant leur masque,
en leur sarabande, délire fantasque.
J'espère que l'audace point ne vous braque,
je ne voudrai pas vous voir tourner casaque.

Je pense à vous toujours avec émotion.
J'éprouve à votre égard grande affection.
L'idée de vous froisser serait déception,
et me plongerais dans profonde affliction.

Oui sur les ailes de cette rêverie,
je nous vois chevauchant tous deux sur la prairie
à l'amble de nos chevaux. Une féerie
qu'être au côté d'une femme qui sourit.