( sur une idée d’un conte russe)
Yvan et Natacha poursuivent leur route vers leur destin. Tant que leur lampe éclaire le chemin au milieu des buissons et des arbres, ils n’ont pas peur. Pourtant, la nuit se fait de plus en plus noire et dense. Des bruits inquiétants résonnent, hululements de chouettes qui se réveillent et se préparent à chasser ; longue plainte des loups qui hurlent; leurs yeux verts brillent dans le soir,et ressemblent à des phares de voitures … (mais en Russie, à cette époque, on ne connaît pas encore ce mode de locomotion); la marche est le seul moyen de se véhiculer. Il est vrai que le tsar et sa famille, eux, se déplacent en voiture à chevaux, et que le jeune prince et la princesse Natacha n’ont pas l’habitude de marcher si longtemps et la fatigue commence à se faire sentir…
Ils n’ont plus la force de parler; le frère et la sœur, mais ils sont solidaires. L’un aide l’autre à passer un obstacle, à contourner un endroit difficile et, quand le pied de Natacha, meurtri de fatigue, trébuche sur un caillou ou une souche d’arbre, la jeune fille vacille en même temps que sa lampe torche rend l’âme. Brutalement, elle est plongée dans une épaisse obscurité. Son frère lui dit:- « Je dois continuer seul ; va te réfugier chez Baba-Yaga. Cette vieille et méchante sorcière nous aime bien .Mais c’est surtout pour toi qu’elle éprouve de la tendresse. Elle sera heureuse de te donner un abri pour quelques jours, le temps de te remettre de l’épreuve que tu as affrontée …
-Bonne chance, mon petit frère », murmure Natacha en regardant Yvan s’éloigner…
Elle se dirige presqu’instinctivement vers l’arbre qui abrite la maison de la sorcière, montée sur des pattes de poulet et qui tourne sur elle-même, quand on prononce la formule magique que la jeune fille connaît pour être venue plusieurs fois s’y réfugier :
-« Petite isba, petite isba, arrête-toi, dos à la forêt face à moi » ;
Car j’ai peur du loup et Baba Yaga va me protéger ....
La clôture en os dont l’habitation est entourée s’ouvre et les crânes qui la surmontent, s’allument seuls, en clignotant comme pour lui faire signe. Elle grimpe dans l’arbre, la porte se referme derrière elle et son hôtesse l’accueille gentiment, sans étonnement, comme si elle l’attendait.
Pendant ce temps, Yvan poursuit sa route, rencontre le loup cervier qu’il a sauvé jadis de l’arme du braconnier qui l’avait traqué pendant des jours et qui voulait détruire sa race. L’animal (d’une excellente mémoire, décide de l’accompagner). Ainsi, Yvan va–t-il plus vite et de plus en plus loin…
La nuit s’achève quand il sort de la forêt. Sa lampe s’éteint ; mais il y voit très bien…Ses yeux s’habituent vite à la lumière naturelle ; et Yvan voit apparaître une chevelure blonde… .Il ne sait pas encore à qui elle appartient et tire sur ce qu’il croit être une gerbe de blé …Mais c’est une créature ravissante qui se retourne et le regarde de ses grands yeux bleus…Yvan s’excuse et lui baise la main :
- « Jeune demoiselle, belle comme le jour, blonde comme le champ de blé, radieuse comme le soleil qui éclaire la planète, je suis le prince Yvan…. Mon père m’a ordonné de revenir au palais, au bras d’une belle fille blonde, pour que je lui succède ; car il sent venir sa fin….Je serais heureux si vous étiez ma compagne et montiez avec moi sur le trône…
… Acceptez-vous de devenir ma femme ?
-C’est que j’ai un prétendant , murmure Vassilassia, la trop belle ; à qui mon père veut me marier..
-Vous ne trouverez pas un meilleur parti que moi, et votre père sera trop heureux de vous voir devenir tsarine, n’est-ce pas ?
- Je vais lui demander son avis. Revenez dans une semaine et vous aurez ma réponse, cher prince Yvan.