XXXIX. Au parc :
Un homme, un journal, donc un homme lisant.
Un banc et un chapeau, donc un homme assis.
Un parc, des tulipes, donc un homme au printemps.
Des regards circulaires ; l’homme attend ici.
Une femme qui marche, petits pas de femme.
Un manteau serré, une coiffure lissée ;
une femme apprêtée, majesté calme
qui avance résolue à pas vifs et pressés.
Trois petites notes, musique de quartier ;
accordéon et orphéon en musette,
sans quoi le tableau ne serait pas entier ;
n’oublions pas les fillettes en couettes.
Sur l’épaule du musicien, sapajou
en petit singe triste, comme cet homme
qui attend sur ce banc, se tapotant la joue
et lisant le journal, l’air calme, bonhomme.
Un portail vert impérial, un portail de parc ;
les enfants qui courent, petit jardin public
où là jouer aux indiens sans flèches ni arcs,
jeux d’enfants, agitation sympathique.
Une grille qui s’ouvre puis là se ferme.
Un bruit ferme et aussi métallique.
L’homme relève la tête, lui qui aime
et attend. Chaque seconde est là pique
aiguille acérée qui larde et perce
la poitrine du soupirant, Saint Sébastien
amoureux dans sa conviction, ivresse
sentimentale qui rend tout beau et bien.
Des pas rapides en cliquetis d’aiguilles
et crissements de gravillons en un chant lent,
et revoici la femme sortie de ville,
entrée dans la bulle du jardin accueillant.
Deux regards, deux recherches, une rencontre.
L’homme se lève, la femme là s’assied.
Oublié le journal lu comme la montre
accusatrice en son âme d’acier.
Un journal au vent, un orgue de Barbarie.
Un homme et une femme, assis joyeux,
deux amants complices et Paris qui là rit.
Que demander de plus sous le soleil aux cieux ?