La nuit avance à pas comptés et sombres.
Arlequin moqueur aux yeux nombreux sous masque.
Vois la vilaine faire son lit, pénombre
propice à la ronde de mes pensées fantasques.
Piqueté d'étoiles ici sur l'écran noir
où se projettent les pensées des nuits blanches.
Le vent fait battre les volets de ce manoir ;
le bois sur la pierre prend sa revanche.
Ce soir, le vent agace, vibre et attend.
En cercle de sorcières, les champignons
brillent phosphorescents, vrais bolets de Satan
qui brillent à la lumière du lumignon.
Frémissements dans les bois, en sauts vifs,
yeux qui scintillent, tâche blanche, un lapin
sautille en quête de serpolet, ou passif
en ce bois, vie de bête, fait là le tapin.
C'est beau la nature. Afrique, gazelle
et Europe, lapin. Comme c'est bien fait !
Et tous de chasser dans les fourrés demoiselle,
mais à la maison nul ne ramène trophée.
Ah! votre œil se glace, oui j'outrepasse
les limites de votre bienveillance.
Je vois ce regard que vous dardez fumasse
et les poignards que votre œil las me lance.
Une chouette, masque si blanc et lunaire
sous le globe jaune, hulule et m'effraie.
Soudain sous ce mercure froid, glaciaire,
nappe blême épandue sur ce bosquet frais,
je frissonne, un promeneur sur ma tombe !
Ou bien le cri sinistre des engoulevents
qui à mon arrivée s'envolent en trombe,
ou alors simplement le souffle de ce vent.
Les branches grincent, se frottent entre elles,
archets sinistres, Prokofiev en ballet,
danse de chevaliers, bal de pucelle,
Roméo, Juliette et les Capulets.
La tension monte, l'attaque plus franche
des violons de l'hiver en ce calvaire
d'une marche nocturne griffée de branches.
Quelle épreuve, j'ai envie d'un verre.
Le feu dans la cheminée, bûches crépitant
et reflets dansant dans l'élixir, le cognac
qui tournoie dans ma paume, larmes sanglotant
sur les parois pour vieillard maniaque.
Vous tiquez. Non. Ne niez pas. Croyez-vous chère
amie que le poète est d'humour immun,
même potache ? Non. Je ne puis le taire ;
après tout, moi aussi je suis être humain.