DANS L'ATELIER
A travers ses paupières mi-closes, couché à la renverse
Et couvert d'éboulis, l'ange déchu regardait tristement
Les seins pointus de l'autoportrait
Et son sourire tout-puissant qui s'égouttait.
La mare de lumière écarlate dans laquelle se baigna
La Sagesse Divine à sa naissance se coagulait
Autour de son corps et il regardait impuissant
Le buste nu vêtu d'un nuage de cheveux,
Entouré de pommes, d'oignons et de grenades découpées
Et dessinait d'une ultime pensée, sous le cadre,
Dans la tiédeur de l'air, ses hanches, ses cuisses,
Ses genoux, ses mollets…
Du mur d'en face les yeux railleurs
Regardaient l'ange et clouaient au sol antique
Son corps frémissant, sa figure inconcevable,
Et alors dans ses bras rompus elle s'affaissa,
Lilith la divine.
Un soupir étouffé s'échappa de la toile,
Une dernière lueur s'écoula des gorges et des temples,
Les sons de la ville cessèrent
Et le monde s'apaisa à jamais.