LA POESIE
La poésie n'est pas un répit entre deux jours brisés
ni une simple pause entre deux romans,
c'est ce même jour brisé en plus de deux romans,
une rose épineuse riche de parfums originaire du jardin perdu
ou nous étions heureux et unis à Dieu,
non seulement fleur aux formes gracieuses ni même son parfum,
mais quelque chose d'autre, de plus fort et de plus pesant
que l'éphémère beauté d'une roseraie.
La poésie n'est pas l'oubli assoupi parmi les feuilles
que le vent soulève dans les champs à l'automne,
ce n'est pas une berceuse pour enfant
à la foi suave et creuse
ni même une consolation pour l'adulte,
c'est le vent du souvenir des choses originelles,
le pain quotidien pour l'enfant et l'adulte
que Mnémosyne dépose sur une table modeste ;
c'est l'essentiel écoulement de l'être et de ses mots
qui nous prolonge à travers la mémoire.
La poésie n'est pas le simple ornement d'un vase grec
ni une figure étrusque sur la cime d'un temple,
ce n'est pas non plus l'étrusque
qu'il nous faudrait encore déchiffrer,
ce n'est pas la rupture ni la cassure du langage
car le langage est brisé depuis longtemps déjà,
ce sont les os cassés de celui qui est tombé
et la recherche des causes à sa chute.
La poésie est notre marche sur les eaux.
Ce n'est pas une sorte de musique, d'image,
de mètre, de rime ni de vers inconnus,
c'est une contrée fantomatique et tranquille
d'où afflue la sonate automnale,
c'est une porte - celle-là même qui mène
vers une liberté différente de la tienne ;
c'est le droit d'affirmer l'existence de tout
et par là même renoncer à ce tout.
La poésie, c'est la fonte du monticule de glace.
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Y e f i