Petit être inachevé
Toutes femmes se devaient d’être heureuses
Des résultats inscrits dans l’enveloppe blanche.
Mais je n’ai pas pu goûter à cette chance.
Ma seule émotion fut une peur coléreuse.
Il me fallait prendre une décision grave.
Te garder, et vivre sur la corde raide,
Ou t’effacer comme une tache que l’on lave.
Comment et à qui demander de l’aide ?
Petit être inachevé, pardonne-moi.
J’ai décidé d’user de mes droits injustes sur toi.
Je n’étais pas prête à t’accueillir.
Avant toi, il me fallait absolument vieillir.
Viens alors le parcourt douloureux,
Où pendant plus de deux mois
Se succèdent les examens minutieux
Et les nausées entre les repas.
Une écographie ma révélée ton petit corps,
Confus, si petit, si fragile et innocent.
Mon diaphragme s’est alors resserré très fort
Et mon cœur s’est mis à battre rapidement.
Mais mon choix était fait,
Je ne pouvais plus reculer.
Personne chez moi ne te désirait.
Tu aurais été malheureux et déshonoré.
Mon adolescence aurait été dissolue,
Et mes études inachevées, comme toi.
Sans stabilité, j’aurai pu finir dans la rue.
Tu aurais fini par être loin de moi.
Le jour où tu as quitté ma chair,
Je me suis sentie vidée, soulagée
Malgré l’amertume broyant mes nerfs.
Ma vie et mon honneur étaient sauvés.
Pardonne-moi, s’il te plait.
Cela ressemble fort à de l’égoïsme,
Mais je sais que là où tu es désormais,
Tu ne connaîtras pas la peur et l’individualisme.