373) Autour d’une nappe :
En son damier rouge et blanc cette nappe
organisait gaiement le champ pour nous deux.
Sur elle nous disposions couverts et hanaps,
arrangions pâtés en croûte et miches blondes.
C’était là le lieu choisi, un petit monde
où se rencontrent heureux regards bleu et brun.
Un lieu calme, fixe sur la nappe-monde,
pour une renarde et un husky rongeant son frein.
Qu’elle était belle, la belle renarde
en ses oreilles soutachées, ourlées de noir.
Qu’il transpirait cet husky d’humeur gaillarde,
regardant ses pieds, hésitant comme au plongeoir.
En ce doux échange, en regards pleins d’égards,
l’une ouvrait ses jolies mirettes, ses prunelles.
Et l’autre la buvait en lac bleu hagard
du Nord (si, j’ose !) comme priant en chapelle.
L’un voyait nouveau luminaire au ciel monter
pour en longs hurlements rendre son hommage.
L’autre, vibrisses frémissant, subtilité
et délicatesse coite, restait sage.
Ah ! La rusée fieffée féminine engeance
qui là enroule le pauvre rustre balourd
autour de sa natte en son apparence
fragile. Elle, à qui je fais la cour.
Et pourtant alors que je hurle donc en bleu
sur cette feuille blanc neige, n’ai-je-donc point
raison de croire au sentiment qui trouble
ce repos que je croyais éternel, de loin ?
Ambre et glace. Ici un courant passe
comme parfois entre les pôles l’étincelle
un moment jaillit, vive comme rapace
qui saisit l’instant, s’enfuit à tire-d’aile.
Certains regards valent plus, bien plus, qu’un poème.
Il y a des fenêtres montrant des âmes
qu’au premier coup d’œil, sans raison, là on aime.
Il y a ce regard-ci, pour qui me damne.