Cette pluie lasse n'a pas encore compris
que son temps est passé, expiré, dépassé.
C'était hier l'hiver en son triste ciel gris,
mais selon Ptolémée, nous sommes en été.
La pluie en ses notes froides et funèbres
s'écoule en traits, en roides verticales,
alors que me bercent sonates de Weber
en sons égrenés, présence amicale.
Cette pluie est la clepsydre de l'absence
en secondes étirées, mates, finales.
L'absence est une douloureuse présence
et ces sonates sont alors mon gardénal.
Lourdes odeurs de cuirs et de chevaux mouillés
passe têtes courbées, lasse sous l'orage
une troupe noyée, ombres de cavaliers
revenus de la quête de leurs mirages.
En cliquetis métalliques de gourmettes
le vent porte leur odeur et leurs fumées ;
et devant moi viennent là hommes et bêtes,
âmes que nul n'a jamais, hélas, réclamées.
Adieu donc à cette troupe de souvenirs
chassée goutte à goutte par la clepsydre
sacrifiant le passé par amour d'avenir
en plus de secondes que de têtes l'Hydre.
Comme pressé d'en finir, le monstre change,
goutte à goutte devenu épais rideau
qui voile le paysage et le mange
comme une bouche rougeâtre et bordeaux.
Voici venir alors le brun crépuscule
en son apaisement, voile en pas légers,
mettant terme à l'horizon ridicule
de ce poème en vers absurdes et brisés.
Rêverie. Illusion souvent nécessaire
pour ne pas subir du présent l'outrage
en ses tracas quotidiens et si ordinaires.
Il vaut mieux rêver autres mondes, paysages.
Sujet: Délavé 