Une fois le soir tombé, la compagnie,
lasse de marcher, heureuse de cantonner,
et recrue de ses nombreuses avanies,
réclamait à grand cris des plats mitonnés.
Holà mes soudards, paix mes gaillards !
Ouvrez vos besaces et montrez vos rapines !
Taisez-vous donc infantiles braillards.
Qu’avons-nous donc ici ? Point de lapine ?
En attendant que viennent rôts et mets,
allez céans remplir et vider vos chopines.
Bandes d’incapables indolents gourmets,
et laissez préparer poissons et langoustines.
Pendant que vos musiciens grattent la mandoline,
viens donc en vitesse ici paresseuse arpette.
Il nous faut nourrir avant que leurs têtes dodelinent,
Ces gens assemblés en meute qui rouspètent.
Que chacun se démène et nul sa peine ménage,
toi le commis, le chef, le marmiton
que l’on plume, tranche et larde.
Que se méfie celui qui se farde,
il pourrait passer pour un giton,
et malheur à lui au milieu de tous ces sauvages.
Laissons mijoter ce ragout,
qu’ils puissent respirer son fumet,
rassurés et sans dégoût,
ils le mangeront à se pâmer.
Qui ose tolérer qu’avec les poulardes,
on s’amuse ainsi à me chercher querelle,
et que gaiement on joue et me canarde ?
Dois-je vous assommer de quenelles ?
Pressons et accélérons enfin la cadence,
débouchons les flacons, aérons le vin.
Prestement portons les plats sur la crédence,
Que nous n’ayons pas cuisiné en vain.
Enfin l’assemblée du breuvage appréciant le bouquet,
se met à danser et chanter des airs festifs.
Convenons-en, ce joyeux charivari est un beau banquet.
Apportez-nous donc ces sacrés digestifs !