PAR TERRE
Ils s’en vont de vie à trépas
les mots d’amour qu’on ne dit pas,
comme des bulles, comme des bulles,
ils montent, ils montent au ciel qui brûle,
et puis ils crèvent dans la nuit,
la nuit sans nous, la nuit sans nuits,
sans bras, ni caresses, ni rêves,
sans nous, ni le jour qui se lève,
la nuit jamais qui ne s’achève,
la nuit quand on se tait si fort,
si fort que le silence même
on dirait qu’il hurle à la mort...
Mais, vous le savez bien qu’on s’aime,
et que c’est notre chance, alors,
sauvez nous d’être seuls encore,
brisez ce silence de mort,
dites-moi : « Je suis là, je t’aime... »
Et faites m’en tout un poème,
celui là qui commence à même
ma peau...
Faites en tout pour exister,
mille et une fois répété,
faites en toute notre histoire,
je serai trop heureux d’y croire,
et sans dévier de noter
nos plus doux moments racontés,
moi, tout à vos lèvres enivré
des mots qui font vibrer la chair,
entre deux anges qui passent, ma chère,
je vous ferai sous la dictée,
je vous ferai l’amour jeté,
l’amour par terre…
Par terre où marche le mystère,
dans des jardins crépusculaires
plantés d’horloges inutiles,
par terre où toutes leurs aiguilles,
comme font les avions de guerre,
à l’automne dernier piquèrent
au creux des veines aurifères,
dans des forêts de bras tendus,
vers des septièmes ciels rendus
par terre,
sur des prairies de ventres nus
fleuries de bouches en cœur qui donnent
avec des baisers d’anémones
leurs paroles d’amour tenues,
par terre,
où le silence est inconnu,
par terre où tout est entendu,
tout, mais d’abord votre poème,
sitôt chanté écrit par terre,
qui au début, qui avant même
les¨ loup y es-tu¨, ¨ les m’entends-tu¨,
les ¨ que fais-tu¨, ¨ turlututu¨ !
Qui dit : « C’est rien si t’es par terre, »
qui dit : « Je suis là et je t’aime… »
Henri Etienne Dayssol