Nul ne savait d'où il venait.
Il y a bien longtemps de cela, peut-être à l'aube de l'humanité, il avait débarqué sur cette planète et avait choisi d'y demeurer.
Pourquoi ? Nul n'en savait rien non plus.
Il n'avait pas même de nom.
Ici on l'appelait le Nécromant.
Il commandait aux morts, il parlait aux esprits. Il était auréolé d'un si grande aura de mystère que nul n'osait l'approcher sans éprouver une certaine crainte. Pourtant il avait jadis sauvé la communauté d'un désastre probable.
C'était il y a une paire d'années. A l'époque, notre village n'était pas bien grand. Nous étions sans cesse harcelés par une bande de rôdeurs nocturnes qui passaient leur temps à errer par les campagnes dès la lune levée en s'emparant des âmes isolées.
Tout le monde avait peur de sortir seul le soir et surtout de s'éloigner du hameau.
Jusqu'au jour où nous en eûmes marre. Et, en tant que chef de la communauté, ils me désignèrent pour aller quérir ce sombre personnage et lui demander son aide. Il fut d'abord réticent mais devant la promesse de quelques piécettes d'or sonnantes et trébuchantes, il accepta la mission que j'entendais bien lui confier.
Il partit alors, seul, pendant sept jours. Il n'emportait qu'un sac vide et une gourde en peau de chèvre. Il n'avait ni épée ni bouclier et disait que sa meilleure arme, c'était son cerveau.
Il marcha six jours durant, à l'aube du septième jour il atteint une vaste lande désolée où trônait une grande tour ténébreuse et haute de dix étages. Le Nécromant savait où il était cependant. Il souriait. Puis, rabattant son capuchon sur la tête, il se dirigea droit vers le bâtiment d'un pas bien assuré.
Il ne mit pas longtemps avant d'atteindre la vieille porte en bois de chêne moisi. A peine l'eût-elle ouverte que celle-ci se désintégra dans un nuage de poussière. Ses yeux s'habituèrent à l'obscurité et grimpa les marches suintantes d'humidité jusqu'au dernier étage.
Là l'attendait un étrange personnage tout vêtu d'une robe de bure noire. Il était attelé à un lutrin où était accroché un antique grimoire. Quand il se retourna il dévoila son visage et là, horreur, il éclata d'un rare sardonique de toute sa bouche pleine de canines pointues et prêtes à le dévorer.
Le Nécromant qui, visiblement, s'attendait à cette apparition, se garda des coups de dents et de griffes de ce monstre mi-homme mi-loup. Épuisé, ce dernier se retrancha dans un coin où il espérait reprendre son souffle. Ce fut le moment qu'attendait le Nécromant pour agir.
Il leva alors les cinq doigts de sa main gauche vers le plafond et psalmodiant une formule ancienne et complexe, aussitôt ses dernières phalanges se chargèrent d'éclairs qui devinrent de plus en plus intenses à mesure qu'il répétait la formule. Puis, soudain, il tendit le bras en direction de la créature. Des doigts du Nécromant jaillirent un rayon intense et bleuâtre qui frappa sa cible avec un bruit mat et sourd. La créature humanoïde se crispa, fut prise de soubresauts, avant de s'effondrer. Inerte.
Il régnait une odeur de poils grillés et de sueur dans la pièce.
Le Nécromant ne prit même pas la peine de fouiller son cadavre. Il se dirigea vers ce qu'il était venu en réalité chercher : le vieux grimoire. Au moment de sortir de la pièce, il se retourna une dernière fois. Le corps de l'homme-loup était en train de se décomposer dans une flaque d'acide.
Au village, le Nécromant fut accueilli en héros. Mais jamais il ne nous dit ce qu'il y avait dans ce grimoire. Et le lendemain, il était parti sans laisser de traces.
Nul ne sut jamais où il était allé.
Quant à la Tour ? Elle disparut elle aussi, engloutie par la terre. A sa place, aujourd'hui, il y a des prairies où paissent les vaches. On pourrait croire qu'on a simplement rêvé. C'est vrai. Mais quand un tel mystère nous fait du bien d'y croire, on ose pas le remettre en cause.
Et de nos jours, les anciens se souviennent encore. Ils se souviennent entre nostalgie et amertume de ce Nécromant qui les sauva, un jour, du péril en les délivrant de l'emprise magique d'une créature funeste.
Depuis, le village vit en paix.